L’abondance des œuvres des « imagiers » sur cette période permet de distinguer trois phases stylistiques, avec des artistes emblématiques :
- Entre 1490 et 1530, l’art de tradition gothique perdure, enrichi d’apports des provinces voisines (Bourgogne, Lorraine, Ile-de-France) et des pays du Nord (Flandres, Pays-Bas, Allemagne) par la diffusion des gravures notamment. Des grands maîtres au style très affirmé s’illustrent, dont le maître de Chaource, aujourd’hui identifié à Jacques Bachot.
- Entre 1530 et 1550, vers la seconde moitié du règne de François Ier, la statuaire s’ouvre plus largement à l’art italien, influence favorisée par la proximité du chantier royal de Fontainebleau, et produit des œuvres très raffinées, d’un style maniériste (premier maniérisme) tels que celui de Jacques Juliot ou de Claude Bornot. Cet art montre la grande perméabilité de certains sculpteurs aux nouveautés.
- Vers le milieu du siècle, avec l’arrivée à Troyes de l’Italien Dominique Florentin en 1540, la production des ateliers troyens s’oriente vers un style résolument maniériste (second maniérisme) caractérisés par des attitudes et des drapés mouvementés, impulsé par le maître et qui donnera jusqu’à la fin du siècle un nombre étonnant d’œuvres. Aux côtés du maître italien, s’illustre un sculpteur troyen, François Gentil.
Cette évolution progressive est perceptible par la présence d’œuvres relevant de ces trois courants :
La tradition gothique nous livre des figures à l’allure simple et naturelle, revêtues de vêtements aux plis profonds d’une grande sobriété qui émeuvent par leur retenue et leurs sentiments intériorisés. Ce courant, mené à son apogée par Jacques Bachot, est représenté par un Christ en croix et une rare Institution de l’Eucharistie, ainsi que par d’autres maîtres restés anonymes, auteurs de grandes Vierges à l’Enfant et de saintes aux figures empreintes de charme, de grâce (Éducation de la Vierge), voire de coquetterie (Sainte Marguerite), de saints imposants (Saint Antoine, Saint Roch), d’émouvants Christ de Pitié, ou de Vierge mère penchée sur le corps sans vie de son fils.
Le premier maniérisme est brillamment illustré par trois artistes : Jacques Juliot (éléments de retable de l’abbaye de Larrivour) avec ses fins reliefs d’albâtre, dont on déplore la perte de la polychromie et dorure qui gardent toute leur puissance narrative. Claude Bornot, avec la grande Mise au Tombeau de l’ancienne abbaye de Montier-la-Celle, où les détails des vêtements, nœuds raffinés et plis « mouillés », les expressions des visages aux sourcils froncés expriment les émotions dans un style tout différent. Et l’auteur, anonyme, des deux Sibylles énigmatiques (les autres du même ensemble se trouvent aux musées du Louvre et d’Écouen), aux postures savantes et vêtements recherchés, finement ciselées dans la pierre calcaire de la région.
Le second maniérisme est représenté par la seule œuvre attestée de Dominique Florentin (Vierge et saint Jean au pied de la Croix, du Calvaire de l’ancienne collégiale Saint-Étienne) et par une Allégorie de la Charité de l’entourage du maître. Et parmi une multitude d’œuvres attribuées à François Gentil, le musée conserve les deux seules œuvres certifiées : David et Isaïe, de l’église Saint-Nicolas (actuellement au musée des Beaux-Arts).