Maurice Marinot, un peintre devenu verrier
Une visite à la gobeleterie de ses amis Viard, à Bar-sur-Seine, en 1911, va élargir ses horizons et lui permettre de renouveler sa pratique artistique. Sans abandonner son activité de peintre, Maurice Marinot se lance alors dans la décoration émaillée de verreries dont il s’efforce de développer et de diversifier les modèles, avec le concours de verriers professionnels, tout en multipliant ses recherches techniques sur les procédés d’émaillage.
En 1912, à l’invitation de l’architecte et peintre André Mare, il participe aux côtés de Raymond-Duchamp Villon, Jacques Villon, Roger de La Fresnaye et Marie Laurencin, à la décoration de la Maison cubiste, présentée dans le cadre du Salon d’Automne. Ses verreries délicates font encore l’attraction du Salon des Décorateurs.
Léon Rosenthal s’enthousiasme d’emblée pour ce travail : « il y a longtemps qu’une innovation de si grande importance n’était venue enrichir l’art du verre » (Gazette des Beaux-Arts). Le succès est immédiat. Maurice Marinot est remarqué par d’importants collectionneurs et son travail de verrier fait rapidement l’unanimité de la critique.
A son retour à la vie civile, après avoir été affecté au service de santé des armées durant la premier conflit mondial, il reprend ses activités de verrier, à Bar-sur-Seine, et commence à pratiquer lui-même le soufflage des pièces, achevant ainsi de les rendre uniques. Il délaisse alors progressivement l’usage exclusif du décor émaillé pour se concentrer sur le travail du verre à chaud. Les formes et les textures ornementales de la matière se diversifient. Marinot multiplie inlassablement les recherches techniques, explore sans cesse de nouvelles déclinaisons formelles, enrichit ainsi la géométrie de ses œuvres et en parfait l’eurythmie sans jamais en figer le concept dans le carcan d’un moule industriel. Il expérimente la gravure en creux à l’acide ou à la roue, prêtant tour à tour à ses verreries l’aspect de la glace fondante, l’éclat du diamant taillé, des transparences embuées de fumées ou de précieux effets de bullage pailleté d’or. Il invente une gamme infinie de décors intercalaires qui rivalisent, dans la lumière mouvante, avec le chatoiement des gemmes les plus rares.
Attendues avec impatience par les amateurs les plus en vue de la capitale (Louis Barthou, Jacques Zoubaloff, Paul Poiret, Charles Pacquement, Marcel Sembat…) les expositions annuelles de son travail ont favorisé la réputation de Marinot qui garnissait régulièrement les pavillons et les stands des ensembliers à l’occasion des Salons d’automne, des indépendants, des décorateurs ou des grandes expositions internationales (Londres, New York, Barcelone, Munich, Wiesbaden, Paris, Venise…).
Reconnu par la critique la plus exigeante, Marinot conduit l’expérience contemporaine du verre à une véritable alchimie élémentaire qui associe les vertus de l’eau, de la terre, de l’air et du feu dans une production recherchée pour sa subtilité et son raffinement. En 1937, la fermeture de la gobeleterie Viard suspend définitivement cette forme de création, que l’état de santé de l’artiste avait déjà ralentie depuis 1934. Le corpus de l’œuvre verrier avoisine les quelque 2 500 pièces.