Maurice Marinot : un peintre à la conquête du verre
De la peinture au verre, Maurice Marinot est un artiste incontournable de la collection.
Musée d’Art moderneCollections nationales Pierre et Denise Lévy

Fils de bonnetiers troyens né en 1882, Maurice Marinot se rend à Paris pour suivre les cours de peinture de Cormon à l’École des Beaux-Arts. Mais les relations entre le maître et son élève se détériorent et Marinot est obligé de choisir entre « cesser de peindre en non-conformisme dangereux ou déguerpir ». Il choisit de partir, tout en continuant à bénéficier des modèles de l’école jusqu’en 1905, avec la complicité de ses camarades et à l’insu du professeur.
Il expose ainsi pour la première fois en 1903 au Salon d’Automne et prend part au fameux scandale de la cage aux Fauves, en 1905, où est notamment exposée L’Église des Noës, un après-midi d’avril. Marinot développe un style fauve original en privilégiant les tons acides aux couleurs pures. De plus, il représente de nombreux sujets intimistes dans des compositions chères aux Nabis, comme le rappellent ici ses Brodeuses, voire d’ascendance impressionniste, comme la Réunion de femmes et d’enfants (1909), qui renvoie aux toiles de Monet ou de Bazille. La réception mitigée de son oeuvre peinte est toutefois un terreau propice à une nouvelle phase de sa carrière : l’art du verre.
En 1911, Marinot rend visite à ses amis Eugène et Gabriel Viard, anciens camarades de lycée, qui possèdent la verrerie de Bar-sur-Seine. C’est une révélation et le début d’une longue passion pour l’art du verre. Le succès est rapide et retentissant, au point d’être considéré comme le plus important verrier français de la première moitié du 20e siècle.
En 1912, il collabore, avec deux vases, à la fameuse « Maison cubiste » construite par Duchamp-Villon et décorée par un ensemble d’artistes sous la direction d’André Mare. De peintre sur verre, avec des pièces dessinées par ses soins et réalisées par d’autres, il s’affirme rapidement comme maître-verrier en apprenant à souffler ses propres oeuvres. Le travail de la matière guide l’évolution de son oeuvre, tant dans le style que dans la technique. Il expérimente ainsi différentes techniques comme le verre bullé et craquelé.
Dans un verre épais et lourd, pour lequel il est mondialement connu, le décor ne se fait bientôt plus sur la surface mais dans la matière même, par le biais de la gravure à l’acide dès 1919 puis par le modelage à chaud à partir de 1927. Ses créations s’inspirent le plus souvent de la nature et des quatre éléments. Travaillant régulièrement à la verrerie de Bar-sur-Seine, sa fermeture en 1937 l’affecte. Ce « vide que la peinture et le dessin ne suffisaient plus à remplir » (Pierre Lévy) est comblé par la rencontre avec le couple de collectionneurs troyens, Pierre et Denise Lévy, avec qui il lie une amitié durable. La collection du musée, 46 toiles, plus de 1000 dessins ainsi que 149 verreries, témoigne d’une oeuvre novatrice et dont l’influence fut internationale, de Murano aux États-Unis.

