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Les grandes figures du musée d’Art moderne

Derain, Marinot et les autres grandes figures du musée constituent une étape importante dans le parcours des collections.

Collection

Musée d’Art moderneCollections nationales Pierre et Denise Lévy

Résistances de l’art figuratif : Balthus, Raoul Dufy, Bernard Buffet

Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale s’ouvre une période de triomphe de la modernité, tandis que le centre de gravité de l’art va basculer de Paris vers New York. Loin de l’expressionnisme abstrait porté par l’École de New York, Balthasar Kłossowski, dit Balthus se définit comme un « artiste peintre figuratif », prônant un certain classicisme inspiré des fresquistes de la Renaissance. L’apparente banalité de ses compositions cache une réalité souvent lourde d’une secrète inquiétude. Antonin Artaud parlait même d’une œuvre qui « sent la peste, la tempête et les épidémies ». La Fenêtre, cour de Rohan représente la vue depuis son atelier parisien sur la cour de Rohan, une vue à la fois désolée et fascinante. Seuls les quelques objets, qui rappellent les natures mortes de son ami Derain, suggèrent une présence humaine.

Ce thème de l’atelier, lieu de création et de vie où les peintres se dévoilent, a maintes fois été représenté depuis la Renaissance. Raoul Dufy, le « peintre du bonheur », en donne une représentation vers 1940. Une grande importance est donnée au dessin, rapide et précis, avec lequel ses grands aplats colorés jouent en toute indépendance. Au contraire, l’Atelier du jeune Bernard Buffet est fait de lignes mordantes et une quasi-absence de couleurs. Il y exprime son désespoir qui lui valut l’étiquette de « misérabiliste ». Son style, qui rencontra un vaste succès après la Seconde Guerre mondiale, est marqué par le goût d’un dessin pictural à peine coloré, qui transcrit tous ses sujets à travers une grille de lignes implacables.

Le décloisonnement des arts

Outre les peintures et sculptures, les objets d’art sont amplement représentés dans la collection. Œuvres d’artistes, ils témoignent du décloisonnement des techniques au cours du 20e siècle.

À l’origine sculpteur ornementiste, André Metthey, se lance dans la céramique dès 1901, dans son atelier d’Asnières. Il orne ses pièces de riches décors aux accents orientaux. Sa rencontre avec le marchand d’art Ambroise Vollard est décisive. Ce dernier l’incite à travailler avec les peintres de la jeune génération comme André Derain et Édouard Vuillard.  Si l’entreprise de « l’École d’Asnières » se solde par un échec commercial, ces échanges entre artistes et potiers ouvrent la voie à de nouvelles recherches. Pablo Picasso entame ainsi avec Georges et Suzanne Ramié, dans les années 1950, une féconde collaboration qui influence la production des ateliers indépendants de Vallauris.

Les Salons et expositions internationales favorisent l’émergence de nouveaux talents. L’Art Déco, dont Émile Lenoble et Émile Decœur comptent parmi les grands représentants, tire son nom de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, présentée à Paris en 1925. Il s’érige contre les volutes et formes organiques de l’Art nouveau, à travers un retour à la rigueur classique, à la symétrie et à la géométrie. Inspirées de l’art d’Extrême-Orient, les productions d’Émile Lenoble offrent une élégante sobriété. Émile Decœur développe quant à lui une production abondante de grès et de porcelaines. Il s’occupe lui-même de chaque étape de la fabrication. Le décor qui vient souligner discrètement la forme disparaît progressivement au profit d’émaux monochromes nuancés, satinés ou mats qui accentuent l’élégance de ses modèles.

La tapisserie La Chasse résulte d’une commande passée à André Derain par Marie Cuttoli, collectionneuse d’art et éditrice de tapisseries d’Aubusson. Elle a été réalisée d’après l’huile sur toile La Chasse au cerf, datée de 1938 et appartenant à la collection Lévy. Mécène de l’avant-garde, Marie Cuttoli se spécialise dans les tapis d’art tissés d’après des œuvres des maîtres du début du 20e siècle, tels Pablo Picasso, Fernand Léger, Joan Miró ou encore Raoul Dufy.

Tisser Matisse

Au début des années 1940, Henri Matisse est un peintre célèbre. Il bouleverse pourtant encore l’art avec l’invention d’un moyen qui lui permet de « découper à vif dans la couleur », et lui « rappelle la taille directe des sculpteurs ». Après une grave opération subie en 1941, animé d’un fabuleux renouveau créateur à plus de soixante-dix ans, il se met à découper directement dans des papiers qu’il a préalablement colorés à la gouache.

Dans sa chambre-atelier, boulevard du Montparnasse à Paris, un jour de l’été 1946, Matisse découpe une hirondelle dans du papier blanc « et comme cela lui faisait de la peine de la déchirer », il l’utilise pour cacher une tache sur le papier beige du mur. Puis, sans trop savoir ce que cela donnera, il multiplie les formes qu’il découpe, dépouille, agence et déplace sur le mur où son assistante, Lydia Delectorskaya, les épingle « au fur et à mesure de leur naissance ». Matisse, inspiré par les souvenirs de son voyage à Tahiti réalisé plus de dix ans auparavant, accroche des formes d’oiseaux et de poissons, de coraux, d’éponges, de méduses, découpées dans du papier blanc.

Ainsi naissent, entre autres, Polynésie la mer et Polynésie le ciel, représentant la flore et la faune océaniennes. Elles gardent le souvenir de la lumière éclatante de ce lieu, qui fut une des grandes sensations de sa vie. L’artiste n’a utilisé que trois couleurs : le blanc, ainsi que deux tons de bleus. Matisse voulait en effet retranscrire les couleurs du lagon de Tahiti, en surface (bleu turquoise) et en profondeur (bleu foncé). Du carton réalisé avec la technique des papiers découpés, la manufacture nationale des Gobelins de Beauvais en réalise une tapisserie entre 1948 et 1949. Matisse donne son exemplaire de Polynésie Le Ciel à la Maison de la pensée française. Suite à des difficultés financières, cette dernière la vend à Pierre Lévy, qui l’installe dans son bureau.